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Une nuit, le film

Tourné en moins de 15 jours, le film Une nuit raconte l’histoire d’amour fulgurante née dans le métro à l’heure de la haine.

En rentrant du travail, deux êtres (joués par Karin Viard et Alex Lutz) se bousculent dans une rame de métro bondée, laissant place à une animosité décomplexée où s’entremêlent remarques désobligeantes et insultes. Quelques secondes plus tard, scène surprenante : la caméra est tournée vers un photomaton où l’on aperçoit ces deux mêmes personnes en train d’y faire sauvagement l’amour. Il était une fois une histoire d’amour qui débute par des insultes pour se dénouer dans la nuit noire.

Si vous riez à chaque fois que vous entendez parler du coup de foudre, il est ici question d’un véritable hate at first sight. C’est une histoire d’amour qui commence par la haine, celle de l’autre, l’inconnu égoïste et maladroit.

Elle parvient à s’insérer dans le métro au moment où les portes se ferment. Elle ne s’excuse pas de l’avoir bousculé, il lui fait remarquer qu’elle manque de politesse, elle ne se laisse pas faire, le ton monte. Après s’être disputés comme deux poissonniers devant des dizaines d’inconnus et avoir soulagé leur pulsion animale (elle parle d’ailleurs de leur ébat comme un comportement de bonobo, ce qui est intéressant si l’on décide de voir le métro comme une jungle au sein même de la civilisation) en baisant six minutes, nous suivons les deux personnages sur les quais de la Seine. Il lui dit qu’il a un type de femme mais qu’elle n’en fait pas partie. Pourtant c’est comme ça, elle lui a plu. L’attirance c’est autre chose que le type de femme, lui explique-t-il. Elle veut comprendre, elle aime comprendre, mais ce qu’elle aime par dessous tout, c’est en découdre. Elle a le feu, elle est vivante. Il semble adorer cela. Il adore cela. S’ensuit un débat sur cette incompréhension qui les a lié et amené jusqu’ici. On assiste à une véritable partie de ping pong du langage entre les deux inconnus sur les notions d’alchimie, d’attirance et de disponibilité amoureuse, car disponibles, l’un comme l’autre ne l’est pas.

Après ces échanges animés, ils jettent chacun leur portable dans la Seine et la nuit semble commencer enfin. L’enfance s’empare d’eux et c’est l’innocence qui guide leur pas dans les ruelles. On les suit à une soirée étudiante où ils parviennent à s’introduire, puis dans la librairie où il travaille, au théâtre amateur où elle joue, au restaurant chinois, dans un club échangiste, au bois de Vincennes…

Rien n’est fabriqué, exagéré ou encore sublimé et c’est là toute la beauté de cette symbiose qui les empare. L’adversité apparue dans le métro, ce constant ping pong verbale, l’interdit ou l’impossibilité de cette liaison : tout y est. Ce hate at first sight nous fait goûter au charme d’une histoire d’amour banale dans un espace temps qui la rend insolite.

Cette rencontre est un moment de grâce, une ode à la vie. Les deux amants ne se contentent pas de vivre, ils existent. Une nuit, seulement une nuit pour s’accorder le temps de s’aimer. A l’aube, ils ne se reverront jamais.

Amoureux de l’amour et cinéphiles, ce film d’une beauté simple est à visionner en replay sur Canal +. Quant à vous, chers amis lecteurs, si vous boudez l’écran et préférez aux films les pages d’un bon roman, je vous conseille de vous procurer Une nuit particulièrede Grégoire Delacourt, parallèle déroutant avec Une nuit.

Depuis, raisonne cette phrase dans ma tête : « Il ne faut jamais rencontrer les gens qu’on déteste parce qu’on finit par les aimer. »

*Extrait, première page de Une nuit particulière, de Grégoire Delacourt : 

« J’ai parlé ce soir de beauté et de douleur. J’ai parlé de ce que la première crée la seconde et que cette dernière est insupportable. Elle est un silex dans la bouche, un feu dans les entrailles. »

Sarah Degny - @ladelicatessedesmots

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