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Première chanson

Mon père s’est acheté une maison dans la Drôme il y a deux ans. C’est une grande maison en pierre blanche typiquement provençale arborant un charme naturel, anciennement habitée par une vieille dame et ses chats. C’est une maison qui, comme l’odeur du parfum sur la peau, change d’atmosphère en fonction de ses locataires. En l’habitant, mon père la rend grâce et légèreté. Parmi les nombreuses pièces, il y a ma préférée, située à l’extrémité côté terrasse, dont l’espace est dévoré de canapés mous et de livres, offrant une vue panoramique sur les montagnes. L’été dernier, je décide d’y séjourner un peu plus d’un mois pour cause d’aura endommagée. Fin juillet, j’invite une de mes amies proches qui traverse un chagrin d’amour depuis quelques mois et dont elle n’arrive pas à se défaire. Mon amie a 25 ans, c’est-à-dire quatre ans de moins que moi. La vie s’amuse à bousculer sa pureté, c’est l’âge où la vie s’en donne à cœur joie. Comme à mon habitude, je prévois quelques accessoires et objets qui pourraient être utiles à ma poésie comme ce casque boule disco que j’ai trouvé par hasard sur internet quelques semaines plus tôt. J’aime scénariser ce qui m’entoure, filmer le présent pour le faire durer un peu plus longtemps. Depuis quelques temps, j’ai inversé le processus de création qui consiste désormais à d’abord filmer des instants de vie que je juge poétiques pour ensuite les écrire. Cette technique nouvelle me permet d’écrire des textes qui ne sont pas façonnés par l’imaginaire et la rêverie mais qui, à l’inverse, rendent grâce à la réalité qui m’entoure.

Un jour, après déjeuner, je décide de passer le nouvel album de Luidji, mais c’est la chanson Monde qui vient me cueillir, si bien que je propose à mon amie d’improviser une danse dessus avec le casque disco sur la tête. Cette danse improvisée que je filme est la grâce qui rend grâce à cette maison. C’est un instant suspendu d’une telle beauté que je m’empresse de la regarder encore et encore. Après six ou sept visionnages, je réussis à m’imprégner des émotions de mon amie et les mots s’enchaînent, mais c’est cette phrase qui est venue à moi : je suis ton absence qui devient ma seule présence. Toute la danse de mon amie s’était en réalité articulée autour de cet autre, l’absent : il l’avait toute entière possédée le temps d’une chanson. Pour créer l’histoire, je commence par ces mots : « je suis une danse, lente et majestueuse, une boule disco qui scintille de mille feux, triste et seule dans une boîte de nuit, tournant au rythme des verres qui se vident et se remplissent. » Puis vient alors : « Je suis ton absence qui devient ma seule présence. » La phrase kalachnikov, la balle qui atterrit en plein cœur, au centre des autres phrases. Une fois le montage terminé, je le montre à mon amie et sa réaction est violente. Mes mots par dessus sa danse ne lui font pas du bien. Je décide alors de ne pas la publier. Quelques jours plus tard, une autre amie accepte de danser à sa place pour ne pas laisser cette réalisation dans une cave.

En octobre, un DJ moustachu franco américano italien prénommé Alastair Lane m’écrit pour me dire qu’il souhaiterait mettre ma voix et mes mots sur une de ses compositions. Il m’explique qu’il est tombé sur cette fameuse vidéo et que ce sont ces mots-là qu’il aime particulièrement. J’accepte tout de suite. Je dois continuer d’écrire cette histoire. Trois semaines plus tard, « Roman d’Amour » est finie. Elle est désormais disponible sur toutes les plateformes de streaming depuis le 5 janvier dernier.

Je vous souhaite d’être imprégnés des autres.

Par @ladelicatessedesmots

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