AdopteUnMec.com

AdopteUnMec.com

L'amour sans effets secondaires

Le problème de l’amour, c’est qu’on le retire comme un sparadrap. D’un coup sec ou par petits à coups qui durent des mois, le problème est le même : on souffre après les relations qui ont compté. Est-il possible de se protéger du revers de la médaille sentimentale, d’avoir le remède sans les effets secondaires ?

C’est la question que je me suis posé à la suite d’une rupture dont j’ai cru ne jamais me remettre. J’étais prêt à toutes les expérimentations pour ne jamais revivre ça. Je suis parti en quête de ce graal mystérieux qu’est l’amour sans souffrance, dans la vallée des sentiments, curieux de voir où mon expédition me mènerait.

Avec Héloïse j’ai adopté la stratégie du bunker. Nous n’étions pas vraiment en couple, pas vraiment célibataires non plus. Pas vraiment amants, ni réellement amis. On ne s’aimait pas plus que ça, mais on était attirés l’un par l’autre. En fait, je n’avais aucune idée de ce que nous étions, elle non plus. Nos allers-retours du lit au cinéma ou expos se faisaient au travers de la brume d’ambiguïté qui entourait nos rapports. On se disait des mots doux mais on se traitait mal, on était jaloux mais ne fixions aucune règle, un peu curieux mais ne nous rendions jamais de comptes. Finalement, on a fini par ressembler à un petit couple modèle, sans en avoir jamais posé les termes.

Mais pour moi, l’enjeu allait bien au-delà de la précision linguistique : je ne voulais rien définir avec Héloïse. Ni sentiments, ni émotion, je n’ai jamais rien partagé de personnel avec elle. Tout était enfoui, là-dessous, elle n’avait accès à rien. Ce n’était pas sa faute si je me protégeais contre les prochaines explosions nucléaires. Je l’avais déjà vécue une fois, ça ne pouvait pas recommencer.

Et précisément, l’explosion n’arriva jamais. Tout simplement car il n’y avait rien à bombarder. Ce qu’il y avait à la surface était vide, fade, inexistant. J’étais passé à côté de la relation et je ne l’avais pas vraiment vécue. La rupture fut polie et sans éclats, je réalisais que le bunker ne marchait pas.

La deuxième stratégie que j’ai employée fut, à tous les niveaux, pire que la première. C’était un début d’été. Elle était belle, dansante, comme un feu follet qui s’envole quand la nuit tombe. Je ne l’ai pas prise très au sérieux, mais mon cœur a vite compris ce qu’elle risquait de devenir pour moi. Que le jeu ne durerait pas, qu’on serait vite dans la cour des grands. Oui, j’ai ressenti quelque chose d’extrêmement fort pour la douce étincelle. Des sentiments ou quelque chose qui aurait pu en devenir, un élan qui me dépassait totalement, une pulsion incontrôlable vers son âme. J’étais à découvert, vulnérable, seul sur le champ de bataille, sans bunker ni même de parapluie. Il y avait quelque chose dans l’air qui me rappelait cette ancienne relation, celle dont je cherchais à fuir la rupture.

Il n’y avait plus de bunker, des avions chargés de bombes qui sillonnaient le ciel, encore cléments mais pour combien de temps ? J’étais seul, attendant la déflagration. Pourquoi ai-je pensé tout de suite à la rupture, pourquoi ai-je voulu me protéger d’une histoire qui n’avait pas commencé, parce que je sentais qu’elle avait le potentiel de me détruire ? En tout cas, j’ai jeté la luciole au cachot.

J’ai ouvert la cage, j’ai dit à la petite fée que ça ne serait pas possible, que sa lueur n’était pas faite pour mon ciel noir et l’ai priée de me laisser seul dans mon obscurité. Oui, elle n’a toujours pas compris que je l’ai quittée parce que j’avais peur de tomber amoureux d’elle et que j’y pense encore tous les jours. Il est trop tard à présent. Tout compte fait, j’aurais préféré souffrir.

Par Jean Dizian | @lunesnoires

je m'inscris
back to top