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L’amour est-il un verre à moitié plein ou à moitié vide ?

Pour fêter le Nouvel An, j’ai décidé en ce dernier jour de décembre d’aller boire un verre dans le bar en bas de chez moi, histoire de trinquer à ma santé. Le serveur apporte à ma table un verre à pied. Il se tient droit devant moi, élégant, raffiné, prêt à recevoir mes lèvres. Le vin, pas le serveur. Nous ne sommes pas dans un film de Noël et Jude Law a d’autres chats à fouetter, des clients en fête autour desquels s’affairer plutôt que de discuter œnologie en ma compagnie.

Je contemple le verre à moitié plein pour lequel j’ai cautionné de payer un rein pour en avoir à peine le goût en constatant qu’il est du même coup à moitié vide et en me demandant si en amour, c’est la même chose.

Fondamentalement, seul ou en couple, on accomplit des choses, on se remplit d’ivresse, mais il nous manque toujours autre chose. Dans les deux cas, nous perdons la compagnie de l’autre ou la solitude qui nous est propre.

Est-ce qu’on ne paie pas trop cher l’addition de la solitude ?

Il est vrai que je suis seule ici ce soir sans personne pour faire résonner mon verre et porter un toast à l’avenir brillant d’incertitudes auquel je ne me prépare pas. Est-ce que c’est triste ? Je n’en suis pas sûre. Le verre amoureux se consomme, se consume, s’éteint parfois. La braise refroidie de mes amours flous, évaporés, trop vite engloutis en deux ou trois gorgées, un mirage parfumé, liquoreux entre mes lèvres qui irrépressiblement fuit.

Je reste seule, mes blagues n’ont pas de spectateur, mon rire ne fait écho qu’à moi-même sans personne pour avoir envie d’arracher les boutons de ma chemise ni défigurer mon maquillage de bonnasse que j’ai mis deux heures à faire.

N’est-ce pas tout aussi cher payé que d’être en couple ?

Avoir toujours quelqu’un avec soi au risque d’y abandonner la fantaisie et la légèreté de ne penser qu’à sa personne, d’étouffer sa propre envie de liberté. Là où l’amour semble couler à flots, il peut tout aussi bien se vivre à coups de rames, lentes, de concessions, de confessions, à maintenir, à en perdre la fougue, la barre dans les tempêtes. C’est quand même moins sexy que de tenir la barre franche de vos mecs. Être repu d’amour comme une glace trop sucrée. La coupe est pleine, la soute trop pleine d’un amour qui se fait la malle, au final, lui aussi.

Et quand je regarde de plus près, je m’aperçois qu’il y a un milieu où le vin et l’air se rencontrent. Pas complètement au milieu ici, car je ne me suis pas privée pour commencer à boire et que je l’ai déjà dit, on n’est pas toujours servi à hauteur de son argent dans un bar. Soit, j’y passe un bon moment qui me fait comprendre que peut-être l’équilibre se tient là, dans ce déséquilibre fébrile entre le trop et le pas assez.

Boire doucement pour en profiter, aimer lentement pour en apprécier le goût à sa juste valeur, sa profondeur sur mon palais, un baiser chaud et parfumé. Le vouloir, l’avoir, l’avaler, le laisser s’en aller, le laisser me manquer. Et recommencer.

Au fond (du verre), qu’importe qu’il soit plein, vide, sucré, amer. L’essentiel est d’y goûter. Qu’importe ce que vous faites, contrairement à mon breuvage du soir, vous avez la possibilité de consommer l’amour sans modération, en shots à foison ou juste un doigt si c’est votre proportion.

Vous ne risquez ni cancer du foie, ni visage bouffi ni haleine de trottoir défraîchi alors enivrez-vous d’amour et resservez-vous. L’amour n’est rien d’autre qu’un verre plein destiné à être bu jusqu’à la lie.

Et moi, dans tout ce marasme de philosophie de comptoir, je décide d’aller rejoindre le serveur pour écumer un deuxième verre dans le seul dessein de lui faire étalage de toute ma méconnaissance en matière d’œnologie pour qu’il m’apprenne l’ivresse de ses péchés.

par @plaquemoisurtonmur

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