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Corps à corps et désaccords

Il y a quelques semaines, une femme est venue me consulter au cabinet. Au téléphone, elle avait évoqué un problème de libido, mais ne s’était pas attardée sur les détails. Je la reçois alors, et une fois installée en face à face, je comprends très vite que le réel motif de sa venue est quelque peu différent de celui pour lequel elle pense venir.

En effet, si elle a commencé son récit par « je n’ai pas de libido », elle m’a ensuite confié que ce désir était absent envers son compagnon, mais qu’il lui arrivait d’en éprouver pour d’autres hommes. Par d’autres hommes, elle précise des ex-amants, qu’elle ne parvient – non sans culpabilité – à sortir de son esprit. Et pourtant, son cœur est clair : elle est amoureuse de son conjoint. Elle l’aime, souhaite partager sa vie avec lui, se voit construire une famille avec lui. Si son cœur est formel, son feu intérieur, lui, se consume peu à peu depuis plusieurs années déjà. Malgré l’amour et la tendresse, les ébats sont mécaniques, dénués de la sensualité et de l’érotisme dont elle a désespérément besoin. De ses ex-amants, elle garde un souvenir encore pétillant dans le bas-ventre. Et pourtant, encore une fois, nulle place au doute : partager leur vie, elle n’aurait jamais pu. En réalité, ce n’est pas eux qu’elle désire, mais les sensations éprouvées à leurs côtés. Tout ce qu’elle envie d’eux s’en tient à des bribes de souvenirs, des émotions fugaces, un désir intense, un plaisir ultime que son corps garde en mémoire. Parce qu’entre ses mots, je comprends que c’est finalement de cela qu’il s’agit. Le tiraillement continu entre être femme et être la femme de. Entre ce qui est permis, autorisé, acceptable, et ce qui se trouve à l’opposé. Entre être fidèle à l’autre ou être fidèle à soi. Entre l’épouse rangée et la femme désirante. Entre la mère et la put***, la plus vieille histoire du monde.

Après un temps d’échange, aussi confuse que démunie, elle finit par me demander : comment faire lorsque l’amour et la sexualité ne font pas bon ménage ? Si le sexe sans l’amour est devenu chose commune et largement acceptée, comment gère-t-on l’amour sans le sexe quand, qui plus est, on adore ça ? Sans le bon sexe, devrais-je même plutôt préciser. Vous savez, celui qui nous transcende, qui nous échappe, celui qui nous laisse hagards, repus, les jambes tremblantes et un sourire béat sur le visage. Comment gère-t-on la non-alchimie, les mauvais accords, l’absence de connexion, les corps qui dansent, mais ne se rencontrent pas ?

De mon côté, j’ai tendance à lier l’amour et le sexe à la musique. Chaque personne possède en elle sa propre mélodie, son propre tempo. Faire l’amour, c’est s’accorder mutuellement pour créer ensemble une nouvelle mélodie. Souvent, celle-ci s’avère divine, exquise, incroyablement plus riche parce que partagée. Mais parfois aussi, elle sonne faux. Et malgré l’amour, l’envie et les efforts, elle continue de sonner faux. À qui la faute ? Personne.

Honnêtement, en l’écoutant, j’étais heureuse que mon rôle de thérapeute soit avant tout de l’accompagner dans ses réflexions afin qu’elle puisse y voir plus clair. J’évite les conseils, je ne donne pas mon avis. Accueil, bienveillance, non-jugement, neutralité. Ça, c’est plutôt OK d’un point de vue professionnel. En revanche, je dois avouer que ses questionnements sont rentrés le soir avec moi.

Peut-être parce que ces questions ont pour moi, un goût insoluble. Qu’elles ne peuvent trouver de réponse ailleurs qu’en chacun d’entre nous et donc par définition, il n’y a pas une réponse, mais des réponses. Des milliers de réponses. Ces questions ne sont pas uniquement celles de ma patiente, mais de bien d’autres également. Elles sont celles d’une société en évolution, de générations en devenir, de personnes qui osent interroger et remettre en cause des siècles de certitude, d’abnégation. En dedans comme en dehors du cabinet. Hommes ou femmes. À présent que les divorces ne sont plus calomniés, que le mariage, le couple et la famille hétéronormée ne sont plus ni la règle ni l’évidence, à présent que les femmes reprennent leur place et leur pouvoir, que les consciences s’ouvrent et que les regards changent, que sommes-nous prêts à sacrifier par amour pour l’autre, à quoi sommes-nous prêts à renoncer par amour de soi ?

Par Britany Lefebvre @Indécence_et_Déraison

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