Y a-t-il de bonnes raisons d'aimer ?
Il y a des gens qu’on rencontre. Et puis il y a cette personne, à qui on commence à penser à des moments inattendus, dont on se surprend à attendre le message, comme on commencerait à tousser avant un rhume. Dans les deux cas, quand les premiers symptômes arrivent, il n’y a pas grand chose que l’on puisse faire pour éviter d’être atteint et c’est encore pire pour les sentiments : il n’y a même pas de sirop pour le cœur. Au demeurant, qu'est-ce qui concrètement nous rassemble ?
Un faisceau d’indices
En droit pénal, on parle « d’indices graves et concordants ». Le détective qu’on a dans la tête roule pour notre cœur, amasse les indices, en planque derrière nos yeux.
Une passion commune, une vocation mutuelle de rendre le monde meilleur, une admiration immodérée pour ce même film que personne ne connaît… inspecteur cerveau rend son rapport et nous sommes enchantés : la correspondance est parfaite ! Il aime le cinéma réaliste italien, l’équitation, milite dans une ONG et déteste les sushis.
Si nous aimons autant découvrir des points communs avec quelqu’un, c’est parce que nos goûts en disent beaucoup sur nous. Nos penchants et nos aversions sont le ciment d’une construction profonde, un cheminement intime, reflet de qui nous sommes et que d’autres ne pourraient pas comprendre.
Nous supposons à tort ou à raison que c’est une évolution similaire et concomitante qui a conduit notre partenaire potentiel à les partager, nous y voyons ainsi l’opportunité d’être compris à un niveau profond.
La théorie de l’ingrédient
Seulement, il y a deux problèmes avec cette façon d’envisager la relation amoureuse.
Le premier, c’est que les constats du détective raison et les affres de l’électron cœur font souvent mauvais ménage : ce dernier n’en fait qu’à sa tête, n’écoute rien et surtout personne.
Une correspondance parfaite sur le papier peut être le script d’une mauvaise pièce, un Pinocchio à qui il manquerait l’étincelle de vie.
Les raisons qui poussent l’autre à partager nos goûts et nos valeurs peuvent être totalement différentes des nôtres et notre présomption initiale en est ainsi renversée. L’amour miroir nous sépare, ce que nous y avons vu ne nous touche finalement pas et s’échoue derrière l’opale d’une vitre froide.
Ce que l’on aime chez quelqu’un est un subtil mélange, c’est un ensemble incarné par un être en particulier, qui nous fait nous sentir comme personne d’autre n’a pu le faire, et cela peut ne reposer sur aucune base rationnelle.
Décider à l’avance que quelqu’un est fait pour nous c’est peut-être la meilleure manière de savoir que cette personne ne l’est pas, c’est faire l’économie de la découverte sans en changer le résultat, préférer à l’unique pique sur le cœur une liste longue comme le bras.
L’amour est l’un des rares domaines où nous pouvons adorer un plat en détestant les ingrédients pris séparément, aimer ce qui ressort d’un mélange unique et personnel, parfois jusqu’à l’indigestion mais c’est une autre histoire.
Alors rangeons notre liste de courses et ouvrons les yeux du cœur à la découverte, à l’inconnu, à la beauté de la déception. Au charme inattendu de l’amour que l’on n’a pas vu venir en l’attendant.
Par @Lunesnoires Jean Dizian
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