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Tout et rien

Ne rien avoir envie de construire à deux. Puis tout. Puis rien. Se dire qu’à deux, on est moins laid parce que les yeux de l’autre sont un joli miroir, pas ce miroir sale dans la salle de bain qu’on n’a toujours pas lavé. Non, un miroir qui dit des mots doux, des mots qu’on rêverait d’entendre, des mots qu’on attendait plus, qu’on espérait plus. Mais à quel prix, une fois que l’autre sera parti ? Parce qu’il partira. Après tout, ils sont tous partis avant lui. Rêver d’un monde où la complexité ne serait plus un obstacle pour ceux qui veulent aimer, avec fougue et ferveur. Comme dans les films.

Détester cette complexité à laquelle on participe. Puis l’implorer, parce que sans complexité, on crèverait d’ennui. Repenser à son reflet dans le miroir sale de la salle de bain ce matin, et s’en vouloir de ne pas se trouver beau, de ne pas se trouver belle, de ne pas s’aimer comme on le voudrait. Se demander comment aimer l’autre. Oui, parce que si on ne s’aime pas déjà, comment donner ce qu’on ne sait pas s’offrir à soi ?

Repenser à l’été dernier. Juste avant ce départ en vacances. Juste après cette rencontre, celle qui donne le sentiment que tout est possible et que plus rien n’est grave. Même deux semaines en Corse sans Wifi. La dernière fois qu’on a vibré, la dernière fois qu’on a aimé, la dernière fois qu’on nous a encore un peu plus abîmé. Ressentir cette souffrance à nouveau, mais en pire. Maudire ces souvenirs, les réfuter violemment mais sans grand résultat. Se gronder alors d’avoir aimé pour finir comme ces pauvres gens filmés dans la Villa des cœurs brisés, mais avec le cœur brisé pour de vrai. En vouloir à sa sensibilité, cette sensibilité si proche de la gueule de bois, bien plus que l’ivresse qui la précède. Cette gueule de bois qui dure maintenant depuis des mois parce qu’on n’a pas eu sa dose de tendresse, de silences partagés, de caresses pour s’endormir.

Brûler d’envie de construire une vie à deux. Oublier que deux secondes plus tôt, on désirait tout l’inverse. Parce qu’après tout, la vie consiste à recommencer. Parce que vivre, c’est recommencer encore et encore jusqu’à la mort. C’est prendre le risque de souffrir, car sans prendre ce risque, ce serait déjà mourir. Dessiner l’éventualité d’un prochain rendez-vous, cette éventualité qui nous fait déjà bailler autant qu’elle nous effraie, mais qui en vaut la peine. Se répéter que ça en vaut la peine. S’en remettre au hasard : lui faire confiance alors qu’on ne se fait même pas confiance à soi. S’encourager quand même.

Se trouver pénible voire médiocre d’y croire comme un enfant pauvre à Noël. Se pousser timidement à lancer cette mécanique sociale qui, jusqu’à la bonne rencontre, ressemble toujours à une course hormonale, où deux êtres se croisent sans désir de véritablement se connaître. Penser à tous ces prochains verres d’alcool inutiles partagés avec des inconnus, tous ces verres qui nous feront tourner la tête à défaut d’avoir le cœur qui bat, assis l’un en face de l’autre, d’ego à ego, où chacun parle mais aucun ne se parle. Jusqu’au bon.

Arrêter de faire de l’anticipation anxiogène. Y croire, malgré les obstacles, malgré cette immense partie de saute-moutons version mammifères pensants. Jusqu’au bon. Se répéter « jusqu’au bon ». Penser à cette amie qui a rencontré le bon après des centaines de rendez-vous, et à cette autre qui l’a trouvé dès le premier soir. Et puis se reposer, aller dormir pour cesser de penser et recevoir ce message sur son portable : Ça te dirait d’aller boire un verre demain soir ?

Par @ladelicatessedesmots

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