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Mon Petit Renne

Comme beaucoup de monde, cela faisait quelques semaines que j’entendais parler de cette série au nom étrange « Mon Petit Renne ». Traduit de l’anglais "Baby Reindeer", le titre français n’avait rien d’évocateur pour moi. Sorte de sensation désagréable qu’on ne s’explique pas. En somme, je n’étais pas emballée à l’idée de la regarder. Aussi, comme chaque série qui fait du bruit, j’ai cette manie idiote de traîner la patte sans parvenir à me l’expliquer non plus. Force est de constater que malgré mon temps de réaction semblable à celui d’une mouette, j’ai fini par regarder GOT, Euphoria, Breaking Bad, Jeffrey Dahmer, Squid Game, etc., et bien évidemment, Mon Petit Renne. Mais pourquoi parler de cette série sur un site de rencontre ? Parce qu’elle aborde le sujet de la rencontre, de ses dérives en passant du harcèlement au viol, parce qu’elle questionne notre rapport à l’autre et donc notre rapport à nous-même. Il est aisé de rentrer rapidement dans l’univers glauque de Richard Gadd. Les lumières sombres oscillant entre le gris, le noir et le bronze accentuées par les gros plans sur les personnages nous plongent tout de suite dans les ténèbres du sujet abordé. Pour ce qui est de l’ambiance de la série, c’est un grand oui. Mais qu’en est-il du sujet abordé et de ce que cela provoque chez le téléspectateur ?

Cette histoire vraie est racontée à la première personne du singulier. Donny, joué par Gadd, est le narrateur personnage principal. Nous sommes dans sa tête, à l’intérieur même de ses pensées et de ses tréfonds, comme un journal intime ouvert. Il est donc extrêmement intéressant de suivre ses questionnements internes quant à ses agissements qu’il tente de comprendre tout en assistant à ses actions en images. C’est un peu comme si Donny s’adressait à son inconscient : la dualité est puissante.

Tout commence par une rencontre dans un bar, celle de Martha et Donny. Intrigué par le personnage troublant qu’incarne cette drôle de dame, Donny, qui travaille dans ce fameux bar, lui offre un verre. Martha n’a pas d’argent sur elle bien qu’elle lui affirme être une grande avocate. Les échanges fusent et Donny semble apprécier la compagnie loufoque de cette cliente. Le lendemain et les jours suivants, Martha prend l’habitude de revenir et s’installe alors lentement un climat lourd. Cette dernière s’est amourachée du barman. Le harcèlement par mails (sans que Donny ne sache comment elle se l’est procuré) commence et la descente aux Enfers avec. Incapable de poser des limites, l’attitude du jeune homme questionne et ce malgré le fait que nous ayons accès à ses pensées. Et c’est là que toute l’ambivalence de l’être humain nous explose au visage. Donny est piégé, il le sait, mais continue d’entretenir sciemment ce lien toxique avec Martha sans comprendre véritablement pourquoi.

Au fil des épisodes relativement courts mais intenses, le harcèlement monte en puissance, impliquant l’entourage de Donny. Ce dernier parvient à nous montrer ce qui le pousse à répéter ce genre de situation scabreuse en remontant dans le temps, notamment avec cet homme haut placé qui lui promet monts et merveilles pour profiter de sa faiblesse. Psychologiquement, la série est forte, d’autant que l’auteur ne sublime absolument rien. Nous sommes en permanence dans le cheminement de pensées que peuvent traverser les victimes de harcèlement et de viol. On sent également un désir de la part de l’auteur d’humaniser entièrement chaque personnage et en l’occurrence celui de Martha, désir ou simple miroir de l’âme de l’auteur. Car oui, l’incapacité de cet homme à gérer une telle situation s’explique aussi par une douceur palpable qui l’habite. C’est un homme qui aime l’autre, profondément gentil, et qui ne sait pas dire non quitte à se dire non à lui-même. La série se concentre alors aussi sur la part d’humanité invisible à l’œil nu de l’harceleur : pourquoi agit-elle de la sorte ? Qu’a-t-elle vécu pour en arriver là ? Pour ma part, mon empathie ne s’est pas déclenchée pour ce personnage et même s’il est toujours intéressant de fouiller dans l’esprit détraqué d’un personnage, je ne crois pas qu’il soit toujours utile de comprendre l’incompréhensible lorsqu’il est inexcusable.

Quant au producteur Netflix, quelques questions me traversent l’esprit. Deux semaines après la sortie de la série, il y a quelques jours donc, la vraie Martha a été retrouvée sur les réseaux et subit depuis un harcèlement notoire mettant sa vie en danger : pas de limites dans la série mais une ironie sans limites dans la vraie vie (déçue de l’espèce humaine mais pas choquée). Si ce déferlement de haine n’a rien de surprenant (même si nous aimerions être surpris), on peut se demander si Netflix n’a pas loupé quelques lignes dans le chapitre Éthique et morale quant à l’anticipation de ces faits. Enfin, quand une série me plaît, je me pose toujours des questions. Pourquoi les gens adorent les séries noires ? Qu’est-ce que cela va titiller chez eux ? Aussi, Netflix a-t-il joué sur le thème du harcèlement que cette série justement dénonce ?

Par @ladelicatessedesmots

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