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Le désir irrépressible sans issue

Amoureux de l’amour et adeptes des projections romanesques, vous qui me lisez, je fais partie de votre club. Depuis petite, j’ai toujours considéré les hommes que je rencontrais comme des projets. Jamais je n’ai su rencontrer un homme sans balayer le film à venir dans ma tête, jamais je n’ai su vivre une rencontre sans l’intellectualiser et in fine, jamais je n’ai vécu une rencontre pleinement. A l’inverse, j’anticipais, je créais, et dans ce futur brodé d’onirisme – sans d’ailleurs le partager à mon partenaire -, j’y étais. Mais où étais-je lorsqu’il fallait vivre l’instant présent ? L’anticipation de l’après a toujours abimé mes relations et je peux sans exagération affirmer que mes chagrins d’amour portaient tous, sans exception, une note de drame grotesque que j’aurais pu m’éviter si j’avais su faire taire cette petite voix dans ma tête. A l’instar du chagrin, j’ai également réprimé des désirs violents pour des hommes qui, sans doute, auraient pu m’apporter une certaine vibration, même de courte durée. En refusant l’évidence de la pulsion, j’ai raté des occasions d’être moins bête. Car vivre, même des relations passionnelles sans issue, n’est-ce pas exister ?

Comment se déculpabiliser de vivre des rencontres impossibles ?

En janvier dernier, lasse d’attendre une histoire d’amour à la Jacques Demy, j’ai décidé de signer un contrat d’abstinence sentimentale avec moi-même. Dans le même temps, une amie m’a poussée à me plonger dans les épisodes de Sex and The City, série que je n’avais jamais attentivement regardé.

Cette série a été pour moi une révélation quant à mon comportement avec les hommes. C’est simple, j’y ai passé tout l’hiver dernier. C’est comme si j’avais eu accès toute ma vie à la solution sans que je ne décide jamais de m’y attarder. En découvrant vraiment cette série, je me suis mise à repenser mon comportement et mes réactions avec les hommes. Sex and the city n’est pas seulement une série, c’est le Graal pour toutes les femmes qui ont grandi à travers un schéma construit sur la base des Disney. Et si des Disney ont pu nous influencer au point de croire à l’impossible, pourquoi une série ne parviendrait-elle pas à produire en nous le même effet, mais dans le sens contraire ?

Dans un registre différent, le film Simple comme Sylvain a également déclenché en moi des réflexions similaires. Dans ce film, l’actrice principale fait la rencontre d’un homme qui ne fait pas partie de son monde. Elle en tombe follement amoureuse. Malgré le fait qu’elle prenne rapidement conscience des différences qui les éloignent, elle ne peut s’empêcher de vivre cette histoire. C’est animal. Le désir est irrépressible. Quitte à changer son chemin bien tracé. Malgré l’issue peu favorable de cette histoire, par elle, elle existe enfin.

Quand l’ardeur est trop forte, faut-il y céder ?

Il y a 2 ans, j’ai cessé de sermonner mes amies qui répétaient des schémas amoureux sans issue. Par l’expérience que j’ai eue, d’abord, et par respect pour ce qui ne se contrôle pas : la pulsion. Toute ma vie, j’ai entendu parler d’histoires impossibles et passionnelles. Je les ai lues, je les ai vues, je les ai écoutées autour d’une bouteille de rosé, au téléphone, au café. Je me suis construite à travers une réalité qui démentait toutes mes croyances niaises et naives. J’ai moi-même vécu des histoires impossibles. Je les écrites pour me souvenir, je les ai écrites pour me comprendre. Et bien que je n’aie pas toujours su comprendre instantanément ce que j’essayais de m’expliquer, je serai aujourd’hui tentée de croire que toutes ces histoires s’expliquent très simplement, qu’elles forment un seul et même tissu propre à l’homme : le désir irrépressible est sans issue. La volonté de l’écarter est, en plus d’être vaine, cruelle pour soi-même. Rien n’explique jamais l’envie qui nous pousse vers l’autre. L’intellectualiser en projetant nous fait perdre du temps. L’animal civilisé que nous sommes a besoin d’assouvir la chair même s’il est conscient des conséquences. S’en priver serait une faute grave pour l’âme. Un déni de tout son être. Le grand amour arrivera un jour, ou peut-être même jamais. Alors il faut céder, il faut céder quitte à contourner ses croyances et ses projets, de crainte d’arriver un pied dans la tombe sans n’avoir jamais rien vécu. Le film de notre vie n’est pas défini, et c’est même le seul film que nous choisissons de changer au gré de nos humeurs et de notre évolution.

La vie ne s’arrête pas après une déception ; toutes les déceptions sont des constructions. Je vous souhaite de vivre vos relations avec légèreté en vous fichant du jugement à commencer par le vôtre.

Par Sarah Denny | @Ladelicatessedesmots

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