L’amour selon les poétesses
Quand on évoque la poésie classique, les poètes des siècles passés et leurs vers si célèbres qui ont servi à clamer l’amour et à en raconter ses joies et surtout ses peines, on pense à Hugo, à Eluard, à Verlaine, à Ronsard, ou encore à Mallarmé, Baudelaire et j’en passe.
Mais où sont donc nos poétesses ?
À l’école, je n’ai pas le souvenir d’avoir eu à apprendre un poème qui n’ait pas été écrit par un homme. Non. Aucun. Et n’essayez pas de me faire croire qu’il n’existait pas de poétesse ou qu’à cette époque, trop occupées qu’elles étaient à laver le linge et la vaisselle, les femmes n’avaient que faire de l’écriture. Ou pire qu’elles ne savaient pas écrire (ni même penser), je risquerais de sortir de l’écran pour en gifler quelques-uns.
Alors, pour combler ce manquement culturel de l’éducation nationale, voici quelques-uns des plus beaux poèmes écrits par des femmes, sur la thématique commune de l’amour.
Belle lecture (et découverte !)
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Je vis, je meurs – Louise Labé
Louise Labé, poétesse lyonnaise connue pour ses sonnets, décrit ici à merveille la complexité du sentiment amoureux et les diverses émotions qu’il procure. Le poème Je vis, je meurs est issu d’un recueil de sonnets publié en 1555. Une pépite.
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J'ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m'est et trop molle et trop dure.
J'ai grands ennuis entremêlés de joie.
Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j'endure ;
Mon bien s'en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
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Les roses de Saadi – Marceline Desbordes Valmore
Les roses de Saadi est certainement le poème le plus célèbre de Marceline Desbordes Valmore. Inspiré par l’œuvre du poète persan Saadi, ce poème a été publié dans le recueil posthume Poésies inédites, en 1860. Marceline Desbordes Valmore est aujourd’hui considérée comme une figure emblématique et pionnière de la poésie romantique. C’est elle qui a inventé le vers de 11 syllabes et ses textes ont par la suite largement influencé Verlaine, Rimbaud et Aragon, et plus récemment, Julien Clerc, Pascal Obispo et Benjamin Biolay.
J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les nœuds trop serrés n'ont pu les contenir.
Les nœuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ;
La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée…
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.
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Idole de ma vie – Marcelline Desbordes Valmore
Idole de ma vie,
Mon tourment, mon plaisir,
Dis-moi si ton envie
S’accorde à mon désir ?
Comme je t’aime en mes beaux jours,
Je veux t’aimer toujours.
Donne-moi l’espérance ;
Je te l’offre en retour.
Apprends-moi la constance ;
Je t’apprendrai l’amour.
Comme je t’aime en mes beaux jours,
Je veux t’aimer toujours.
Sois d’un cœur qui t’adore
L’unique souvenir ;
Je te promets encore
Ce que j’ai d’avenir.
Comme je t’aime en mes beaux jours,
Je veux t’aimer toujours.
Vers ton âme attirée
Par le plus doux transport,
Sur ta bouche adorée
Laisse-moi dire encore :
Comme je t’aime en mes beaux jours,
Je veux t’aimer toujours.
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Nos deux corps sont en toi – Marguerite de Valois
Ce poème non daté de Marguerite de Valois - communément appelée aussi, la reine Margot - est un poème d’amour en hexasyllabes (six syllabes), écrit pour son mari, le roi Henri IV. Fille de Catherine de Médicis et de Henri II, de nombreuses histoires et mystères entourent Marguerite de Valois. À ce jour, seuls une dizaine de ses poèmes sont connus du public.
Nos deux corps sont en toi,
Je le sais plus que d'ombre.
Nos amis sont à toi,
Je ne sais que de nombre.
Et puisque tu es tout
Et que je ne suis rien,
Je n'ai rien ne t'ayant
Ou j'ai tout, au contraire,
Avoir et tout et tien,
Comment se peut-il faire ?…
C'est que j'ai tous les maux
Et je n'ai point de biens.
Je vis par et pour toi
Ainsi que pour moi-même.
Tu vis par et pour moi
Ainsi que pour toi-même.
Le soleil de mes yeux,
Si je n'ai ta lumière,
Une aveugle nuée
Ennuie ma paupière.
Comme une pluie de pleurs
Découle de mes yeux,
Les éclairs de l'amour,
Les éclats de la foudre
Entrefendent mes nuits
Et m'écrasent en poudre.
Quand j'entonne les cris,
Lors, j'étonne les cieux.
Je vis par et pour toi
Ainsi que pour moi-même.
Tu vis par et pour moi
Ainsi que pour toi-même.
Nous n'aurons qu'une vie
Et n'aurons qu'un trépas.
Je ne veux pas ta mort,
Je désire la mienne.
Mais ma mort est ta mort
Et ma vie est la tienne.
Ainsi, je veux mourir
Et je ne le veux pas.
Par Britany Lefebvre | @Indécence_et_Déraison
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