
L'amour à sens unique
Il était temps. Enfin, ça y’est, je le sais : je suis follement éprise d’un être incroyable que je ne saurais décrire. Sauf qu’il ne m’aime pas.
Ma douleur est invisible à l’œil nu. C’est une douleur vive. Elle me coupe l’appétit et mange les parois de mon estomac, les quelques miettes restantes de mon ego, et fait couler des litres de larmes au point de décolorer ma peau. Mon cœur est un champ de bataille envahi de blessés dont le seul remède, c’est toi. Je crois mourir chaque jour mais je ne meurs pas, non. Pire, je me désintègre lentement, heure par heure, minute par minute, absorbée par le souvenir de tes yeux plantés dans les miens, complètement obsédée par l’espoir illusoire que tu m’aimes ne serait-ce qu’un peu. Pathétique et laide, je ne sais plus qui je suis. J’appelle mes amis pour qu’ils me le disent et, tous peu inquiets, chacun me répète d’attendre que le temps passe pour guérir de toi. Mais le temps ne passe pas. Il ne tient plus qu’à toi de m’écrire, mais ça, je ne te le dirai pas, parce que je sais que tu ne m’aimes pas.
1. Une relation embryonnaire qui s’éteint
Depuis deux semaines, vous fréquentez une personne qui a tous les atouts pour vous plaire. Tout est beau, même vous. Les rendez-vous se multiplient, et votre soif commune d’apprendre à vous connaître annonce un heureux présage. Avec une évidence déconcertante, vous vous sentez soudain prête à aimer, vous qui pensiez ne plus l’être, parce qu’enfin, il est si beau cet homme, si gentil, si attentionné, si spécial. Près de lui, vous ne faites pas semblant et cette vérité nue fait son effet. Mieux. Elle lui plaît. La réalité est un poème et, comme il est d’usage avec les feux verts : vous tombez amoureuse.
Mais, deux semaines plus tard, sans prévenir, quelque chose se passe. Sa chaleur devient peu à peu froide. Il vous avoue : « je me suis emballé, je ne sais plus pourquoi, je ne sais pas, ne m’en veux pas. Je ne suis plus très sûr de moi. » Ce scénario là, grand nombre de personnes le connaissent. Ses dégâts sont épouvantables et pour cause : un des deux n’est pas tombé amoureux, quand l’autre, oui. Les relations embryonnaires ont le chic pour nous plonger dans des états de chagrin démesurés, semblables à une longue gueule de bois sans fin.
Le cocktail qui en est la cause ? Un soupçon d’illusion (on tombe en réalité amoureuse d’une version sublimée de l’autre puisque nous n’avons pas vraiment eu le temps d’apprendre à le connaître) et trois cuillères à soupe de projection (sur le long terme).
2. Aimer un cœur pris
Depuis la nuit des temps, les romances impossibles inondent l’art, bien plus que les relations saines. L’impossible divertit l’homme pour lui éviter de penser à la mort ou de succomber à l’ennui, une autre forme de mort, peut-être pire encore que notre fin programmée. Mais qu’en est-il de l’amour impossible dans la vraie vie ? Tombons-nous amoureux de cœurs déjà pris par amour sincère et incontrôlé ou pour échapper inconsciemment à la facilité, ennemie jurée du divertissement ?
Toujours est-il que dans un cas comme dans l’autre, certaines personnes passent parfois une bonne partie de leur vie à aimer un cœur déjà pris, en secret ou non. C’est peut-être la plus poétique de toutes. De manière incontrôlable, on aime un cœur déjà épris. La raison a complètement disparu. Seules les pensées dévorantes demeurent. Pour ces êtres là, si nombreux soient-ils, la seule chose qu’on puisse leur souhaiter est de continuer à vivre d’autres relations, dans l’espoir qu’une autre personne les comble d’amour. Et pour les plus chanceux, que l’être aimé, les aime un jour en retour.
3. Je t’aimais et je ne t’aime plus
Je t’aimais et je ne t’aime plus. C’est merveilleux et terrifiant à la fois : les saisons sont toutes les mêmes lorsqu’on n’aime plus quelqu’un. Comme si on passait plusieurs nuits sans jamais jouir de rien. Plus de soupir béat, pas de plafond blanc qui se transforme en cerisier fleuri, ni de frissons le long de la nuque. Un jour, l’amour s’en va. Comme un enfant pourri gâté, l’amour décide de partir avant la fin du film et laisse l’autre comme un con, seul, au milieu de la fête. Qu’y-a-t-il de pire que de ne pas contrôler ses sentiments ? Ils ont pourtant bel et bien existé, ils étaient en moi. Je t’aimais. Mais je ne t’aime plus. Sans m’expliquer pourquoi, mes sentiments ont disparu. Celui qui n’aime plus commet un meurtre doux : en n’aimant plus, il tue celui qui aime encore. Toutefois, ce petit meurtre n’est pas sans conséquence, car la double peine s’abat sur celui qui se retire puisqu’il s’agit non seulement de faire du mal à l’autre (impossible d’y échapper), associé au deuil des sentiments qui s’impose à celui qui n’aime plus. Quant à la personne qui aime encore, il faut espérer qu’elle aime vite ailleurs. Le désamour revient rarement en arrière sinon jamais.
Quelle conclusion pour ces trois peintures du désamour ?
Une citation de Beigbeder, qui me rassure toujours quand je suis désaimée ou que je n’aime plus.
« L’amour le plus fort est celui qui n’est pas partagé. J’aurais préféré ne jamais le savoir, mais telle est la vérité : il n’y a rien de pire que d’aimer quelqu’un qui ne vous aime pas. Et en même temps, c’est la plus belle chose qui me soit arrivée. Aimer quelqu’un qui vous aime aussi, c’est du narcissisme. Aimer quelqu’un qui ne vous aime pas, ça, c’est l’amour. »
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