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LA rencontre

C’est un ouragan tranquille qui descend du coin de la rue. Elle marche sur l’eau tandis que ses jambes à lui frémissent sur les flots. Ses hanches chaloupent autant que son cœur fait des vagues quand il la voit. Elle emmène toute la ville avec elle aux mouvements de ses bras, dézingue d’allure jusque derrière le zinc d’où il l’aperçoit. Il fait chaud partout dehors, dedans les corps qui mouvoient au son d’une musique que le reste du monde n’entend pas. Elle glisse vers l’écume de sa bière qu’il boit pour contenir le bouleversement de ses pas, les pointes de ses pieds qui, délicatement, tambourinent dans son estomac. Elle est maligne, elle sait qu’il sait qu’elle lui fait cet effet-là. Alors, elle danse sur le trottoir, le cherchant du regard, ça et là, à travers les vitres et les miroirs, jusqu’à ce que leurs yeux se croisent furtivement. Et puis, elle passe. Et chacun trépasse. Dans son coin. Rien ne se passe, pourtant rien n’est de glace. Rien d’anodin. Trahie, la muette audace n’a besoin d’aucun dessin. Elle est le dessein. Le lien, cette place. Spectatrice de ce spectacle tous les matins.

Elle s’éloigne, et pourtant, elle est encore là, dans le parfum qu’elle laisse dans sa marche qu’il respire en sortant de son antre. Du haut de la rue, il la regarde parfois continuer sa route. La déroute. Peut-être, peut-être pas, elle n’en sait rien. Elle espère, mais ne se retournera pas, elle préfère le doute, et n’en dira rien. Qu’importe, elle ressent sa présence et son souffle dans sa nuque et ses reins. Personne ne peut le voir, mais ils se tiennent déjà par la main. C’est drôle tout ce qu’il peut se passer quand il semble ne se passer rien. Un secret ; le leur, sacré ; pas un leurre, un vrai, bien caché dans l’immensité de la rue, pour les autres, inconnu. Et chaque passage les rapproche un peu plus. Le mirage vers deux corps bientôt mis à nus. La patience est maîtresse dans cet art délicat de la vertu. Viendra le moment des bienvenues. L’heure est à la retenue dans la douce ascension vers un climax entendu.

La rencontre n’est rien d’autre qu’une forme de petits riens. C’est déjà savoir, alors qu’on ne sait rien. C’est ressentir tout ce vide qui n’en est pas un. C’est garder ce trop plein qui n’attend que le moment de s’offrir. En temps voulu, c’est le charme du destin. Le commencement du désir. La rencontre, c’est se rendre compte. Savoir que quelqu’un vous veut, quelque part. Sans un mot, sans un bruit. Dans un voeu pour la seule qui a l’ouïe.

Il faudra juste se rendre contre. Se rendre contre ce corps pour la matérialiser enfin. Il n’y a pas à aller contre, la route est déjà tracée depuis le siècle d’un temps sans fin. Le ciel, l’air et tous les autres matins.

Par @Plaquemoisurtonmur | Nikkie 

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