La redéfinition de la masculinité
L’autre jour, je tombe par hasard sur un post Instagram qui attire mon intention. Sur le post on pouvait lire quelque chose du style « Chéris cet homme qui cultive son intelligence émotionnelle ». J’ai tout de suite phasé comme un chat fou en fixant le plafond. J’ai pensé aux hommes qui font partie de ma vie et ai commencé à les évaluer. Cinq prénoms me sont venus en tête. Puis, j’ai réfléchi à leur appartenance religieuse, leur orientation sexuelle, leur conviction politique, ainsi qu’à leur classe sociale. Tous, sans exception étaient différents. Sauf pour l’orientation sexuelle : tous hétérosexuels. Aurais-je eu ces cinq hommes dotés d’une intelligence émotionnelle exacerbée - et pourtant bien cisgenre hétéronormés - dans mon entourage proche si j’avais vécu à une autre époque ?
Si une grande majorité des hommes se dit perdue face à ce trouble du masculin désormais plus qu’ancré dans les mœurs, beaucoup d’hommes y trouvent une forme d’alignement. En désacralisant la virilité et en déconstruisant des schémas avilissants, ces hommes (bénis des déesses) se sont naturellement adaptés à l’évolution des sexes sans sourciller. Certains parlent même d’un soulagement.
Dieu bénisse le féminisme et la santé mentale l’en remercie
Si la parole s’est largement libérée au point de défaire le machisme ambiant et certains dogmes anciens, n’en déplaise à certains et à certaines, le féminisme en est le point de grâce. Grâce ou malédiction pour d’autres, toujours est-il qu’aujourd’hui, le monde évolue considérablement. Cette libération de la parole a non seulement permis aux femmes d’effacer l’absurde invisibilité à laquelle elles étaient soumises depuis des décennies, mais a aussi permis aux hommes enfermés dans des carcans anciens de s’exprimer et ainsi, de se libérer de cette pression virile sous prétexte de (sexe qui se lève et gros bras). Bien que tout ne soit pas encore gagné, si l’on utilise le lexique du jeu (puisse-t-il être ici perçu comme très sérieux, bien que, n’oublions pas non plus que la vie reste un jeu où nous allons tous perdre), l’évolution des mentalités semble s’être toutefois enracinée dans le cœur des jeunes hommes, quitte à parfois les perdre un peu dans la danse hormonale. (Notez qu’on est toujours boiteux quand un changement d’une telle envergure s’installe dans les masses)
La jeunesse masculine : le Ying avant le Yang
J’ai passé quelques soirées confidences avec des amis mâles dont la magnificence aurait pu me faire pleurer. Ces hommes dont je parle ici sont doués d’une beauté du cœur qui, sans qu’ils ne s’en aperçoivent, je crois, vient à chaque fois me cueillir tout entière et je peux sans conteste affirmer à ce jour que la sensibilité masculine libérée à travers la parole est parfois si belle qu’elle parvient à me faire mal. Ni monologue, ni parole coupée. Un simple échange où l’ami mâle se sent libre, parfaitement aligné avec ses émotions, au point d’oublier la ritournelle du jeu des sexes en société. Des émotions libérées et une sensibilité exacerbée qui n’entravent pas la masculinité à laquelle certaines femmes restent attachées, au contraire, mais l’arrondissent pour la parfaire. Ces hommes-là, ont pour la plupart été éduqués à la masculine. Des parents leur préférant l’habit bleu au rose, des petites motos à des barbies. Et peu importe, puisqu’ils sont aussi ce qu’ils sont aujourd’hui grâce à cette dichotomie imposée et qu’ils ont décidé de transgresser pour ne pas singer le voisin d’à côté. Ce sont tous des hommes aussi intelligents que sensibles. Peut-être faut-il seulement braver la bêtise pour accueillir l’émotion qui nous submerge et l’assumer au grand jour, le menton levé. On se sentirait alors entier. Chacun des cinq amis à qui je pense est selon moi des hommes à marier, des hommes qui combleraient ou qui comblent déjà la femme de leur vie. Ils ne le savent peut-être pas, mais ils sont aussi une brique ajoutée à l’édifice du féminisme. Ils me touchent, me font pleurer, mais aussi réfléchir, parce que leur sensibilité n’a pas le même prisme que le mien.
Un mimétisme difficile à éteindre ?
Malheureusement, il arrive encore et je le remarque dans les discussions que je peux avoir avec des amies qui travaillent dans de grosses entreprises avec des hommes d’une cinquantaine d’années, que le mâle continue de vouloir dominer la femme, davantage si elle est jeune. Ce qui m’intéresse toujours dans ces comportements archaïques mouillés d’un mimétisme assez insultant pour eux-mêmes, c’est le pourquoi, l’hypothèse que soulève le si. Qu’arriverait-il à ces hommes s’ils transgressaient l’éducation patriarcale à laquelle ils sont soumis depuis tout petits ? Y songent-ils seulement ou est-ce devenu une norme relativement confortable pour eux ? Est-ce tout simplement animal ? Et pouvons-nous oser ce questionnement hasardeux nous qui sommes avant tout les seuls êtres pensants capables d’inventer des histoires ? Ces hommes virils et machistes sont-ils enfermés dans une prison mentale qu’ils ne soupçonnent même pas ? Pour une majorité d’hommes appartenant à des tranches d’âge un peu plus avancées donc, il n’est pas si aisé d’accueillir son Ying.
Mais l’heure n’étant pas au mépris du passé, il serait désormais plus sage de se concentrer sur la jeunesse, mère de l’avenir. Un avenir qui semble déjà porteur de fruits délicieux pour notre santé mentale à tous, malgré la patte qui boite toujours un peu au démarrage.
Je souhaite à tous ceux qui me lisent d’avoir les cinq doigts masculins de ma main.