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Je suis une "Yes Woman" mais je me soigne

Mon client, à 2 mètres de hauteur (et, il faut bien le dire, aussi imbu de lui-même qu’il est grand) se croit indéniablement supérieur.

- « Pour ma part, je pense que vous devriez écrire une nouvelle version du document pour demain matin. »

Sa politesse britannique ne cache rien de son insolence. Je regarde discrètement sa montre. Il est 19h30. Je m’entends dire :

- « Oui, sans problème ! »

Il me regarde de bas en haut et je me demande s’il est en train d’estimer à quel point je suis jeune, inexpérimentée ou tout simplement de critiquer ma tenue… Probablement les deux.

- « Je précise, ajoutez également les autres actions dont on a parlées au début du meeting. »

Il est 23h, je suis dans le métro à engloutir un sandwich Monop’ – un dîner encore plus triste qu’un « dinner date » raté -  et je me refais le scénario. Déjà, je me félicite de ne pas avoir pleuré devant lui comme un enfant qui ne veut pas faire ses devoirs… mais je me sens toujours démoralisée. Comment réagir, comment me défendre, dans ce genre de situation ?

Apparemment, être une « yes woman » n’est pas le secret du succès

Ce qui m’a manqué à ce moment là, c’est clairement le pouvoir de négociation. Ou plutôt, du NégOciatioN. « Non » Au cas où lire entre les lignes, c’est pas ton fort.

C’est quand la dernière fois que j’ai prononcé ce mot, si inhabituel dans ma bouche ? Heu… Au mendiant qui m’a demandé de l’argent ce matin…? À l’homme qui m’a donné le journal gratuit du métro que je voulais pas…? À mon mec quand, à vrai dire, j’avais la flemme totale de coucher avec lui et que je voulais juste manger des nuggets devant la télé… ? Même pas… Ok, je suis une « yes woman » avouée. L’admettre, c’est franchir le premier pas, non ?!

Mais d’où vient-elle, mon addiction au « yes » ? La réponse est, avant tout, culturelle :

je suis une femme anglaise qui travaille dans une agence de communication, donc le « oui » était toujours destiné à devenir un de mes mots favoris… Tout est dit. Ensemble, mon sexe, mon pays et mon secteur de travail cultivent une culture de « oui, désolée, je fais ça là maintenant, non – merci à vous ! »

En plus, je croyais que le mot « oui » m’aidait à montrer une attitude positive, me donnait de l’importance au travail et montrait ma capacité à jongler comme un pro avec plusieurs tâches à la fois.

Trois choses que j’ai oubliées :

1. Si on se concentre sur la quantité de travail qu’on fait, on perd la qualité : moi, je deviens plus « clown » que « pro » quand j’essaie de jongler mille tâches à la fois… J’oublie des trucs, je ne trouve plus le temps pour converser avec mes collèges, bref, je cours dans tous les sens (ou, avec grande pertinence, « je cours comme un poulet sans tête », comme on dit en anglais…)

2. Rester tard au bureau la nuit ne montre pas son dévouement, mais plutôt son inefficacité – ou au mieux, sa capacité de manger beaucoup de McVities au chocolat au lieu de rentrer à temps pour dîner.

3. Toujours être celle qui prend des notes ou qui fait des cafés ne va pas forcément te faire gagner le respect du boss, même si ça montre ton attitude consciencieuse. Non mais qu’est-ce que je faisais ? Je ne bois même pas le café !

So, comment gagner plus de respect ?

Au lieu de ressortir tous mes mots préférés – « oui », « merci », « bien sûr », ainsi que le bon vieux « désolé »… Je me mets au diapason de la façon de parler de mon interlocuteur. S’il est direct, moi aussi je vais droit au but. Comme ça, au moins il se sent qu’on est sur la même longueur d’ondes.

Et après ? Je négocie.

« Ça vaut la peine de dédier le temps qu’il faut, au lieu de le faire à la hâte ce soir. On va l’envoyer à votre équipe jeudi matin à la première heure. »

Autrement dit : oui mon vieux, je vais le faire, mais non, pas là maintenant, car il est 19h30 et j’ai d’autres chats à fouetter.

Paradoxe ou non, souvent savoir dire « non » gagne beaucoup plus de respect qu’un « yes ».

Emily Sheen

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