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Faut-il fuir les relations confortables ?

Relations toxiques, à distance, pansement… Il y a peu d’histoires sur lesquelles nous n’avons pas glosé. Pourtant, il y en a une qui échappe souvent aux débats, c’est la relation de confort. Invisibilisée derrière un mur de silence, on la tient en dehors, comme une affliction négligeable dont la banalité nous fait craindre qu’en discuter nous plonge dans le même ennui que celui qu’elle nous fait vivre. Elle n’a pas le frisson du rapport passionné ou la souffrance de l’obsession amoureuse. C’est le mouton noir de l’exploration sentimentale, l’angle mort de nos petites lâchetés du quotidien. On ne pourra jamais en faire un film : il n’y a pas de drame, de pleurs ni de cris, juste le ronronnement régulier du chat domestique qui mastique ses croquettes en songeant qu’il ne chassera plus jamais.

Être dans une relation de confort, c’est rester avec l’autre non parce qu’on le désire vraiment mais parce que ce n’est « pas si mal ». On n’est pas sûr de trouver mieux ailleurs ou on est fatigué à l’idée de recommencer avec un autre tout ce qu’on a passé des années à bâtir avec lui. Ces pensées ne font pas de nous une personne horrible, simplement quelqu’un qui a besoin de s’interroger sur sa relation. La relation de confort, comme souvent au théâtre de nos amours, est une figure qui porte un masque et dont le visage peut prendre plusieurs formes.

Une telle situation d’enlisement traduit un sentiment de lassitude, une ombre qui nous murmure que notre partenaire ne nous surprendra plus. Pourtant derrière le confort peut se cacher le fait d’avoir pris l’autre pour acquis, ce dont on se rend souvent compte trop tard. On reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va, et la rupture peut faire un sacré vacarme. La relation était une drogue qu’on ne sentait même plus, et c’est au moment du crash qu’on réalise qu’on planait. Dans ce cas, le sevrage est insoutenable.

Guy Debord évoque dans sa critique radicale de la société marchande « le devenir-monde de la marchandise ¹ », le rapport de consommation qui, tout entier, avale et absorbe les relations humaines. Dès lors, on se lasse d’un partenaire qu’on célébrait, comme on se lasse d’un téléphone ou d’une paire de baskets. Le problème n’est alors pas la relation qui est trop confortable mais notre inconfort face à tout ce qui dure. Cette attitude de fuite peut nous empêcher de vivre une relation durable, si c’est ce que nous cherchons.

Cela dit, après avoir débusqué nos propres biais dans les méandres labyrinthiques de notre cœur, il se peut que nous rentrions bredouille de cette excursion introspective. Qu’il n’y ait rien en nous pour sauver cette relation et qu’elle soit simplement devenue, comme nous le craignons, une histoire fade. Alors, comme un chat domestique qui a pris du poids, la seule solution est de rendre notre collier à notre partenaire et de lui rendre le sien. D’aller chasser encore, explorer et tout ressentir plus fort. Car nous n’avons qu’une vie, et elle trop courte pour manger des croquettes.

¹ Guy Debord, La Société du Spectacle

Par Jean Dizian | @lunesnoires

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