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Faire l’amour

Je me souviens très parfaitement de cet après-midi hivernal, où, angoissée à l’idée d’accueillir un garçon chez moi pour me livrer à lui pour la première fois, je vais dans la cave à vins de mon père. Il est à peine 17 heures. Je ne suis pas alcoolique, mais j’ai peur. Je n’ai pas encore 14 ans, il faut l’avouer, à l’époque, et ce qu’on dit du sexe est aussi effrayant qu’excitant — pour une jeune femme qui a tout à apprendre d’elle-même et de l’autre sexuellement. Comme une gymnastique à respecter au millimètre près. Un shot de whisky et deux gorgées de tequila plus tard, me voilà rassurée, reine de moi-même, prête à offrir le coup de grâce à celui que j’aime, l’ultime pipe qui ne fera pas jaser la cours de l’école demain matin. Evidemment, ce fut un désastre à la hauteur de mes angoisses.

Des années durant après cette première mise en bouche sexuelle, j’ai cru mal faire, on a cru bien me faire, j’ai mal joui. Mal documentée, avec des partenaires vraisemblablement imbibés par des images faussées qu’offre Pornhub aux adolescents pré-pubères, le sexe a longtemps été un désir au plaisir inatteignable.

Comme le précise Sagan dans son roman Bonjour Tristesse, l’expression « faire l’amour » donne « une séduction très verbale en séparant les deux mots de leur sens » avec le verbe presque matériel « faire » apposé au doux mot, si abstrait soit-il, « amour ». Il est vrai que l’association bien curieuse de ces deux mots ne demande qu’à être explicitée. Et donc à comprendre comment mieux faire dans son application.

L’éducation sexuelle à ne plus rater

Et si la société guidait mal nos parents ainsi que l’école dans l’éducation sexuelle ? Encore très tabou, le sexe semble être une danse des corps peu recommandée dans les livres pour enfants. Et de fait, un sujet peu, voire mal abordé par les parents. Seulement voilà, l’interdit excite. Petite fille, j’ai eu tant de fois affaire à ces contresens sexuels si prononcés qu’il m’a fallu aller chercher par moi-même les réponses qu’on ne me donnait pas. Choquée, estomaquée, que dis-je, abasourdie, je découvre un soir de décembre à travers l’écran pour la première fois de ma vie l’exercice si caché et intime qui est celui du rapport sexuel. Grâce à la pornographie. Toute l’erreur de mes parents s’est produite, me semble-t-il, à cet instant précis, alors assise devant ces images enregistrées comme exemple à reproduire pour le restant de mes jours, avec un certain goût d’amertume et de peur quant à l’avenir de mon corps. Ma réalité du sexe a longtemps été un cliché calqué sur des souvenirs d’enfance marquants, cette parenthèse abstraite et pourtant essentielle à la construction du cerveau de l’enfant. Récemment, le compte Instagram @Orgasmeetmoi livrait lors d’une interview de nombreux conseils pour éduquer les plus jeunes sexuellement. Et il est vrai que la pudeur, quelle que soit son degré parmi les mœurs, devrait probablement être parfois mise de côté, disons, ne serait-ce que le temps de quelques questions, afin d’éviter pour l’avenir de nos enfants, bien des erreurs.

Le sexe de la poésie

Faire l’amour, baiser, niquer, tant de verbes ostentatoire pour hélas, tant d’ignorance. L’acte sexuel est aujourd’hui, plus que jamais remis en question dans toute sa forme. 35 % des françaises n’étant pas satisfaites sexuellement, nos instagrammeuses ont compris l’urgence d’informer pour désinformer, par le biais des réseaux sociaux, nos croyances atrophiées par la construction sociétale. Commençons par ces doux noms suivis d’une arobase : @jouissance.club, @jemenbatsleclito, @tasjoui. Cela ne vous dit rien ? Pourtant, ces femmes sont devenues les héroïnes de notre plaisir. De véritables professeures digitales du sexe. La pénétration pour faire l’amour ? Non madame, ce n’est pas obligé. La forme d’un vagin empêchant de prendre du plaisir dans certaines positions ? D’autres sont plus adaptables. Des complexes physiques empêchant l’épanouissement sexuel avec son partenaire ? Tous les corps sont désirables. Des échanges épistolaires si doux qu’ils nous font l’amour avant même d’avoir joui physiquement ? Oui. C’est grâce à toutes ces questions si intimes et propres à soi, à tout ce conditionnement en cours de déconstruction que nous pouvons aujourd’hui l’affirmer : le sexe ne peut que tendre à l’épanouissement.

Faire l’amour ne consiste pas à fantasmer sur de la pornographie pour la reproduire. C’est d’ailleurs tout à fait le contraire. Faire l’amour consiste à s’écouter plus profondément pour s’épanouir loin de la reproduction aliénante et sans âme. Comme l’on ne devient pas quelqu’un en imitant quelqu’un d’autre, il s’agirait presque de la même chose, mais sexuellement. Et, à bien des égards, celles et ceux qui l’ont déjà compris risquent de bouleverser un monde où, dorénavant, le seul danger serait l’accès au plaisir.

Enfin, concluons notre raisonnement par la phrase d’un roi, ivre et libre de folie, notre adoré Boris Vian : « Sexuellement, c’est-à-dire avec mon âme. »

@ladelicatessedesmots 

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