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Défaire l’amour

On m’avait dit que les histoires d’amour finissaient mal, mais on ne m’avait jamais précisé à quel point. S’il y a souvent quelqu'un qui aime plus dans une relation, il y aussi quelqu'un qui souffre davantage quand elle s’arrête. Une amertume roule dans nos rapports et la machine s’emballe. Le lien qui nous nouait à l’autre devient une chaîne, les sentiments qui restent un poison, la figure aimée le monstre qui nous a abandonné.

On voit voler ces assiettes que l’on avait achetées ensemble, on bloque ces stories empoisonnées qui nous font dire « oh la pute » ou « oh le connard », missiles à têtes chercheuses destinés à nous faire exploser le cœur. Déflagration thermo-nucléaire, on est bien obligé de dire « touché ».

Finalement, renchérir et vouloir se détruire, c’est montrer à l’autre qu’on l’aime encore et que si l’arbre est détruit, il reste des racines. C’est encore possible, pour peu que l’on parvienne à dépasser l’incendie. En revanche, ne pas prendre mal ces attaques ou les encaisser tristement, c’est lui indiquer qu’on était déjà partis bien avant la rupture.

Comme le prince charmant qui redevient crapaud, la princesse devient lionne, animal sauvage et blessé qui ne pense qu’à mordre, à salir, à détruire. Non, je ne t’en ai pas voulu pour tes insultes, tes stories ou mêmes les photos que tu m’envoyais de toi avec d’autres. J’avais simplement cette horrible impression d’être un miroir déformant qui te montrait sous cet angle sinistre, ce visage qu’on a tous honte de montrer, cœur pris dans un piège à loup qui ne cherche plus qu’à tuer parce que c’est tout ce qu’il reste.

Profonde mélancolie. J’étais le verre de ce miroir, témoin froid de la soudaine apocalypse. Je ne pouvais ni rompre le maléfice en mettant fin à la rupture, ni soigner tes plaies alors que je tenais le couteau dans ma main. Je demeurais simplement là, comme la vitre qui sépare le monde enchanté que nous avions quitté et son reflet, ce même monde que nous étions en train de saccager.

Et comme un jeu de miroirs face à face, je me revoyais aussi en toi, réagissant exactement de la même manière avec une autre, quelques années plus tôt. Je ne pouvais pas t’en vouloir, car le visage de haine que prend l’amour c’est le tien, c’est le mien, c’est notre hyène à tous, et nos poils ont tous un peu de sa fourrure quand ils s’hérissent. C’est cette douleur éclatante qui surgit face à l’indifférence, portes d’un train qui se ferme alors qu’on court sur le quai. A sa décharge, cette douleur a ça de vrai qu’elle nous frappe si fort que l’on peut dire à coup sûr qu’on a vécu.

C’était la bonne pièce mais pas le bon puzzle. Chacune de ces expériences, quel que soit notre rôle dans ce petit théâtre, nous pousse à écarter des pièces et à chercher, à force de messages, d’audace et de rencontres, celle qui nous fera dire à coup sûr, « celle-ci je l’aime. »

Par Jean Dizian | @lunesnoires

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