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Ça a commencé comme ça

Hier soir dans la voiture pour rejoindre des amis au restau, nous étions en train de discuter de la nouvelle rencontre qu’un de ces potes avait faite en ligne, quand A. me balança : 

— J’aurais préféré que l’on se rencontre autrement.

Aïe.

Si mon ego venait d’en prendre un coup, ma vexation elle fut de courte durée.

Pour être tout à fait franche, cette pensée ne m’était pas inconnue, alors comment le lui reprocher ?

Pas plus tard que la semaine dernière, je n’avais pas non plus fait la fière quand son oncle et sa tante m’avaient demandé tout sourire comment est-ce que l’on s’était rencontrés.

Prévisible, je venais de leur poser la même question et eux, de me conter leur histoire, trente ans après, avec encore des constellations entières dans chaque pupille.

Une application de rencontre, j’ai répondu. J’ai dû dire ça de la même manière que l’on annonce qu’on a chopé une MST parce qu’ils ont continué à sourire, mais cette fois avec compassion. Ils auraient pu répondre un truc du genre ce sont des choses qui arrivent, et l’on aurait tous porté le deuil de cette histoire qui paraissait pourtant si belle.

Mais en vérité, l’était-elle moins pour autant ?

C’est drôle parce que cette histoire m’a fait penser à ma rencontre avec R.

Collègues d’été dans un hôtel perdu sur une île paradisiaque, on a passé notre temps à se croiser sans parvenir à se trouver. Jusqu’à un soir de décembre, trois ans plus tard, où son profil m’est apparu. Normalement à l’autre bout du globe, R. se trouvait être de retour dans sa ville natale, et mon lieu de résidence.

Quelques messages et un rendez-vous plus tard, on ne s’est plus quittés.

Un jour, il m’avait confié que la beauté de notre rencontre me rendait davantage spéciale à ses yeux. Nos retrouvailles en ligne n’étant qu’une étape et non l’élément déclencheur de notre histoire. N’empêche que, belle rencontre ou pas, ce n’est pas ça qui nous a empêchés de réduire en charpie nos deux ans de relation.

Alors forcément, il y a de quoi s’interroger.

Pourquoi devrait-on avoir à rougir de se rencontrer en ligne ? 

On dit que les relations humaines évoluent avec les époques. Qu’on le veuille ou non, la nôtre est principalement digitale. Alors certes, à raconter, ça ne vaut peut-être pas l’histoire de tata Huguette renversée en vélo par l’oncle Jean, mais quand même, quand on y pense, quel est le pourcentage de chance de parvenir à se trouver parmi cette infinie ribambelle de profils ?

Après tout et où que ce soit, les personnes qui croisent notre chemin ne le font-elles jamais par hasard ?

On est certainement encore beaucoup à rêver de rencontrer l’autre dans une mise en scène digne des plus belles comédies romantiques, mais cela ne ferait-il pas partie des nombreux biais induits par notre société ? Dans une version plus moderne, la princesse n’attend plus sagement que le prince vienne la délivrer, mais elle est libre de prendre son téléphone, les devants si ça la chante, et de l’inviter pour le dîner.

Si l’on part du principe que les belles rencontres ne garantissent pas les belles histoires, pourquoi tant se focaliser sur cet événement au risque de finir par en négliger le reste ? Car si l’on y réfléchit, la rencontre ne constitue qu’une part infime de l’histoire, et n’est pas ce qui la détermine ni la constitue.

D’ailleurs, si une première rencontre se fait sur un laps de temps unique et très court, la découverte de l’autre s’étend, elle, bien au-delà.

Les plus valeureux d’entre nous affirmeront même qu’avec un peu de volonté et beaucoup d’imagination, il est possible de rencontrer chaque jour la même personne, une nouvelle fois.

Et si, finalement, plutôt que la date ou l’alignement des planètes, la seule chose qui importait vraiment dans la rencontre, c’était la personne rencontrée ?

Britany Lefebvre 

@Indécence_et_Déraison

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