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Arrêter de s'auto-saboter en amour

« Je ne pense pas que je t’aimerais encore si tu m’aimais aussi ». Le jour où j’ai écrit ces lignes à propos d’une fille que je voyais, j’ai compris que j’avais un sérieux problème. Et en en parlant autour de moi, j’ai compris qu’il était d’autant plus sérieux qu’il était répandu : c’était la question de l’auto-sabotage en amour. Celui-ci consiste à faire dérailler une relation qui avait pourtant tout pour marcher. Comment expliquer cette compulsion à fuir le bonheur, cette quête sans fin d’un trésor qu’on se refuse à trouver ?

Le miroir déformant

Une relation amoureuse est une double rencontre. Il y a d’abord celle que l’on fait avec notre partenaire, et celle que l’on fait avec nous-même. On se voit à travers l’autre, comme un jeu de miroirs face à face. Nathaniel Branden, psychiatre américain et auteur, souligne l’importance de l’estime de soi dans un couple. Quelqu’un qui se trouve « nul » ou « pas à la hauteur », peinera à comprendre qu’on puisse l’apprécier. De là, peut germer l’idée selon laquelle celui qui nous aime se trompe sur nous ou qu’on a réussi à le duper d’une manière ou d’une autre.

Le piège se referme et telle une proie blessée, nous traînons notre imposture partout où se rencontre l’autre. Le boulevard de notre relation est devenu un labyrinthe sinueux et compliqué, on étouffe entre ses murs immenses. La croisière a pris des allures de train fantôme où nos angoissent se terrent, prêtes à nous sauter au cou à chaque virage sauf que personne ne rit. C’est la foire dans notre tête et tous les clowns sont à nos trousses. Le scénario est digne des meilleurs thrillers au cinéma, et malheureusement nous payons cher ce premier rôle.

Pour que notre cauchemar s’arrête, il faudrait que l’autre se réveille. On peut s’y employer subtilement, par des reproches injustifiés, des exigences irréalisables, une jalousie maladive… ou par un geste explosif et fulgurant : tromper son partenaire, le trahir, ou ne plus donner de nouvelles du jour au lendemain. Dans tous les cas, l’édifice s’effondre sous le poids de nos doutes. L’enfer pesant dans lequel nous étions heureux n’est plus qu’un fantôme, qui hurle son regret aux souvenirs qui le frôlent.

Apprendre de ses blessures

Le martyr de l’auto-saboteur ne s’arrête pas avec l’explosion de la relation, il commence avec elle. Des débris enflammés continuent à tomber du ciel, criblant de reproches son pauvre cœur jusque des années après. « Pourquoi j’ai trompé quelqu'un d’aussi bien ? » « Pourquoi je me suis comporté de manière aussi odieuse ? » Ces questions le hantent d’autant plus férocement qu’il n’est pas certain de ne pas recommencer.

Tout comme le scénario imaginaire qui nous a conduit à saboter la relation, ces reproches ne sont pas fondés. Cet échec a pu nous faire prendre conscience de ces blessures ou conflits intérieurs non résolus, qui remontent parfois à l’enfance, et nous donnent une occasion de les guérir, ce qui n’était pas possible lorsqu’ils sommeillaient à l’ombre de notre conscience.

Connaître ces schémas peut aussi nous permettre de mieux appréhender l’autre. Lorsque l’on voit notre partenaire agir de manière imprévisible, étrange ou fuyante, il est possible qu’un mécanisme d’auto-sabotage soit à l’œuvre chez lui. Là où nous aurions pris la chose personnellement par le passé, nous pouvons à présent l’aider à traverser ces ombres.

Il s’agira de le rassurer sur le fait que c’est lui qu’on aime et non cet inconnu imaginaire qu’il n’arrive pas à être. L’intimité ne sera alors plus si terrifiante pour lui, mais un chemin réparateur qui nous mène tous les deux aux confins de notre construction personnelle, à l’amour qui nous attend à la lisière de la peur.

Par Jean Dizian | @lunesnoires

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